Quand y penser ?

Pseudo-obstruction intestinale chronique (POIC) 

Quand y penser ?

Démarche diagnostique

Le diagnostic de POIC est complexe en raison de symptômes aspécifiques et d’explorations complémentaires peu discriminantes ou d’accès difficile, conduisant souvent à un retard diagnostic. La suspicion diagnostique est avant tout clinique. Ainsi en cas de signes cliniques évocateurs la démarche diagnostique proposée est la suivante.

1 – Symptômes et signes cliniques évocateurs

La POIC se manifeste par des signes, chroniques continus ou intermittents évoluant par poussé avec intervalles libres, d’occlusion intestinale. La douleur et la distension abdominale (secondaire à la stase et la pullulation microbienne) sont au premier plan. Les troubles du transit (diarrhée < constipation) ainsi que les vomissements bilieux ou fécaloïdes sont également fréquemment associés. Une dysphagie peut parfois être observée. L’impossibilité de s’alimenter (du fait des douleurs occasionnées) et les phénomènes de malabsorption, normalement associés au diagnostic tardif, conduisent à une dénutrition de sévérité variable (avec retentissement sur la croissance chez l’enfant) allant jusqu’à la dépendance à la nutrition parentérale ainsi que des troubles hydroélectrolytiques parfois majeurs.

A l’anamnèse, des syndromes occlusifs à répétition sans obstacle de la lumière digestive doivent faire suspecter le diagnostic. Il est fréquent de trouver un (ou des) antécédent(s) de « laparotomie blanche ». L’abdomen sera examiné minutieusement à la recherche de cicatrices. Les signes cliniques de dénutrition et de carences vitaminiques seront également recherchés.

Selon le type de POIC, des symptômes extra digestifs peuvent être présents, notamment du tractus urinaire (mégavessie, dilatation de l’arbre urinaire, rétention aigue d’urine, infections urinaires), neurologiques (oculaires (accommodation, mouvements oculomoteurs), dysautonomie), cardiaques (troubles du rythme, anomalies valvulaires ou septales), cutanées (sclérodermie, lupus, dermatomyosite). L’examen clinique s’attardera à les rechercher afin de pouvoir intégrer la POIC dans une cadre génétique (POIC primitive) ou une maladie systémique (POIC secondaire).

2 – Examens complémentaires systématiques

L’objectif à ce stade est 1/ d’objectiver le syndrome occlusif grêlique 2/ d’éliminer une cause organique sous-jacente.

L’examen de première intention est le scanner abdomino-pelvien sans et avec injection de produit de contraste iodé. Il mettra en évidence une distension diffuse de l’intestin grêle (voire du tractus digestif haut et du colon) sans obstacle. En effet, l’atteinte digestive dans la POIC touche toujours l’intestin grêle et est souvent associée à une atteinte plus étendue (peut toucher toutes les parties du tube digestif). Le bilan endoscopique permettra, lui aussi, d’éliminer une occlusion mécanique oeso-gastroduodénale ou colique. Des biopsies duodénales profondes seront réalisées de manière systématique à la recherche d’une maladie cœliaque ou d’une amylose qui peuvent être associées.

Une fois l’origine mécanique éliminée, la contractilité intestinale est étudiée grâce à la manométrie antro-duodénale (manométrie de l’intestin grêle), examen complémentaire de référence qui pose le diagnostic de POIC. L’atteinte pathognomonique est l’absence de phase III du complexe moteur migrant (Figure 2). Elle oriente également vers le mécanisme sous-jacent du trouble moteur (caractère neurogène lorsque les complexes moteurs sont très désorganisés, myogène lorsque l’amplitude des contractions est diminuée mais le schéma manométrique conservé). En cas de normalité de cet examen, le diagnostic de POIC doit être remis en question. Néanmoins, le caractère invasif de cet examen et sa faible accessibilité explique qu’il est peu utilisé en routine. La manométrie œsophagienne, plus accessible, est à intégrer au bilan de POIC du fait de la fréquence des atteintes œsophagiennes associées (anormale dans ¾ des cas).

Figure 2 : Phase 3 du CMM en situation physiologique (train d’onde régulier aux différents niveaux d’enregistrement)

Une fois le diagnostic de POIC établi, se pose la question de son origine primitive ou secondaire. Pour se faire, un bilan auto-immun est réalisé de manière systématique à la recherche d’une connectivité (ex : antiScl70 et sclérodermie). Une glycémie à jeun, un bilan thyroïdien et une cortisolémie à la recherche d’une cause endocrinienne. L’activité thymidine phosphorylase est dosée à la recherche d’une cytopathie mitochondriale sous-jacente (20% des POIC de l’adulte). Toujours garder en tête que la POIC peut correspondre à un syndrome paranéoplasique (cancer du poumon notamment) raison pour laquelle sont systématiquement dosés les anticorps anti HU et anti YO. La recherche d’une infection à virus neurotropes est également préconisée (CMV, EBV). Enfin, le bilan biologique standard complet avec albuminémie et pré-albuminémie permet d’analyser le retentissement hydroélectrolytique et nutritionnel, reflet du degré de malabsorption et malnutrition, ce d’autant que la pesé n’est pas fiable chez ces patients avec souvent un troisième secteur.

3 – Examens complémentaires orientés par le contexte

Les examens suivants seront réalisés selon l’orientation clinique :

  • Manométrie ano-rectale : indiquée si un Hirschsprung est évoqué
  • Test aux pellets : indiqué en cas de trouble moteur colique associé
  • Scintigraphie de vidange gastrique : indiquée en cas de gastroparésie suspectée

D’autres explorations complémentaires orientées, tels qu’un bilan uro-dynamique, une échographie cardiaque, une IRM cérébrale, un électromyogramme seront demandées en cas de symptômes extra-digestifs associés (voir supra). Les tests génétiques seront eux aussi orientés selon le contexte (le gène ACTG2 est le plus fréquemment muté dans les POIC).

4 – Place de l’histologie

L’analyse histologique, par des anatomopathologistes sensibilisés à la POIC, permet de détecter des anomalies morphologiques au niveau des plexus myentériques et/ou des couches musculaires de la paroi grêlique et ainsi de poser avec certitude le diagnostic de POIC.

Atteinte en histologie / immunohistochimie
Myopathies viscérales :
Atrophie des myocytes (déficit de marquage par l’alpha-actine) avec aspect dégénératif vacuolaire
Neuropathies viscérales :
Aganglionose au niveau des plexus myentériques marqués par les anti-Hu
Neuropathies dégénératives :
Réduction des neurones et prolifération gliale
Neuropathies inflammatoires :
Infiltrat lymphocytaire et plasmocytaire (CD8+ et CD3+)
Mésenchymopathies :
Diminution des cellules de Cajal marquées en immunohistochimie par l’anticorps CD117

Tableau 2 : Les différentes atteintes histologiques de la POIC

Ceci n’est possible qu’en cas de biopsies profondes Trans pariétales ou d’analyse de pièce de résection intestinale. En pratique ces gestes invasifs ne changent pas la prise en charge et ne sont donc pas réalisé uniquement à but diagnostic. Cependant la relecture de pièces opératoires, en cas d’antécédent de chirurgie, permet dans un certain nombre de cas de redresser le diagnostic.

Source : https://larevue.snfcp.org/

Auteurs:

  • MDMélanie Draullette
  • LBLore Billiauws
  • FJF. Joly